24e avril 1765
En réponse à vôtre Lettre du 18, mon cher frère, j'embrasse tendrement Platon Diderot.
Par ma foi j'embrasse aussi L'impératrice de toute Russie. Aurait-on soupçonné il y a cinquante ans qu'un jour les Scythes récompenseraient si noblement dans Paris la vertu, la science, la philosophie, si indignement traittées parmi nous! Illustre Diderot, recevez les transports de ma joie.
Je ne peux faire la moindre attention aux tracasseries de la comédie. Celà peut amuser Paris. Pour moi je suis rempli d'autres idées. La générosité Russe, la justice rendue aux Calas, celle qu'on va rendre aux Sirven, saisissent toutes les puissances de mon âme. On travaille à force à la condamnation du cuistre théologien dénonciateur, sot, et fripon. La bonne cause triomphe sourdement. Nouvelle édition du portatif en Hollande, à Berlin, à Londres, réfutations de théologiens qu'on baffoue; tout concourt à établir le rêgne de la vérité.
Vous aurez l'abbé Bazin avant qu'il soit peu, n'en doutez pas. Vous devriez envoier un ruban à Me du Deff: Vraiment il ne faut lui envoier rien du tout si elle trahit les frères. De quoi s'avise-t-elle à son âge, et aveugle, de forcer des hommes de mérite à la haïr!
Hélas! elle ne sait pas que sans les philosophes le sang des Calas n'aurait jamais été vengé.
Mandez moi si mr Gaudet vous aura remis par cette poste un paquet assez gros touchant nos vingtièmes.
La voie de St Claude est longue, on ne peut y envoier des paquets que par des exprès.
Mon cher frère, faut-il que je meure sans vous avoir vu de mes yeux, que le printemps guérit un peu? Je vous vois de mon cœur. Ecr: l'inf: