1765-03-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Mon cher frère, je crois que je ne pourai faire partir la réponse de Mr Tronchin que mercredy 6e du mois.
Je serai bien étonné s'il vous ordonne autre chose que des adoucissants et du régime, mais ce qui est bien sûr, c'est qu'il s'intéressera bien vivement à vôtre santé. Il est philosophe, et il sçait que vous l'êtes. Nous sommes tous frères; st Luc était le médecin des apôtres, et Tronchin est le nôtre. Il me semble toujours que c'est une extrême injustice, dans le meilleur des mondes possibles que je ne vous connaisse que par Lettres. Je vous assure que si je pouvais m'échaper je viendrais faire une petite course à Paris incognito, souper trois ou quatre fois avec vous et les plus discrets des gens de bien, et m'en retourner content.

J'ai vu quelques échantillons de la pièce dont vous me parlez. Apparamment que l'on n'a pas choisi ce qu'il y a de meilleur, et que le nouvelliste n'est pas l'intime ami de l'auteur. Je m'intéresse fort à son succez, c'est un homme de mérite, et qui n'est pas à son aise.

J'abuse toujours de vôtre complaisance. Voicy encor un petit mot pour Briasson. Je voudrais bien que pour réponse il m'envoiât l'enciclopédie.

La destruction doit arriver bientôt. Faittes bien mes compliments je vous prie, au destructeur, et encouragez le à détruire.

On m'a parlé d'un manuscrit de feu l'abbé Bazin, intitulé La Philosophie de l'histoire, dans lequel l'auteur prouve que les Egiptiens, et surtout les Juifs, sont un peuple très nouveau. On dit qu'il y a des recherches très curieuses dans cet ouvrage. Je crois qu'on achève actuellement de L'imprimer en Hollande, et que j'en aurai bientôt quelques éxemplaires. Je vous prépare une petite cargaison pour le mois de may.

N'aiez pas mal à la gorge, mon cher frère. Ecr: L'inf.