1764-01-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Je vois bien que mon cher frère n'a point reçu deux paquets qu'un négociant de Bezançon lui avait adressés par une voie qu'il croiait sûre.
Un de ces paquets était destiné pour Mr d'Alembert qui se fâche, et qui se croit lézé, parce que d'autres ont reçu ce qui ne lui est point parvenu. Mais ce n'est pas la faute du correspondant. Les difficultés augmentent de jour en jour. Un jeune officier aux gardes suisses, s'est chargé en dernier lieu de porter à Paris deux éxemplaires à Mr D'Alembert; mais il ne les aura pas sitôt. Ainsi, je vous suplie, mon cher frère, de faire ma paix avec lui.

Il y a longtemps que je n'ai reçu de Lettre de Mr et de made D'Argental. Je ne sçais plus de nouvelles ni des belles Lettres, ni des affaires. Frère Thiriot écrit quatre fois par an, tout au plus. On me dit que le parlement de Grenoble est éxilé. Le roi parait mêler à sa bonté des actions de fermeté: que d'un côté il cède à ce que les remontrances des parlements peuvent avoir de juste; de l'autre il maintient les droits de l'autorité roiale. Je crois que le postérité rendra justice à cette conduite digne d'un roi et d'un père.

On m'assure toujours que le mandement de Mr l'archevêque de Paris est imprimé clandestinement, et qu'on en a vu plusieurs éxemplaires. Si vous pouvez, mon cher frère, me procurer une de ces instructions pastorale, et un antifinancier, vous me soulagerez beaucoup dans ma misère. Je suis entouré de frimats, accablé de rhumatismes, mes yeux vont toujours fort mal, mais je me ferai lire ces deux ouvrages que j'attends avec impatience de vos bontés fraternelles.

Je ne sçais rien de nouveau non plus du théâtre. Mais ce qui me touche le plus, c'est le beau projet que dieu vous a inspiré à vous et à vos amis; et ce beau projet est . . . . Ecr: L'inf.