1765-01-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence.

Je ne suis point étonné, mon cher et aimable philosophe militaire, qu'un brave homme devienne poltron quand il est superstitieux et ignorant.
On est brave à la guerre par vanité, parce qu'on ne veut pas essuier de ses camarades le reproche d'avoir baissé la tête devant une batterie de canons; mais on n'a point de vanité avec la fièvre double tierce. On s'abandonne alors à toute sa misère, on laisse paraître des fraieurs dont on ne rougit point, et un prêtre insolent fait plus de peur qu'une compagnie de cuirassiers.

Nous recevons dans le moment vôtre pâté. Le pâtissier aura beaucoup d'honneur si ses perdrix sont arrivées sans barbe par le temps pouri que nous essuions depuis un mois. Nous en serons instruits dans quelques heures, et je vous en dirai des nouvelles à la fin de ma Lettre…..

Mon cher philosophe guerrier n'envoyez plus de pâtez. Il y a trop loin d'Angouleme à Ferney.