1776-11-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bernard Joseph de Thomassin, baron de Juilly.

Mes maladies, monsieur, qui me privent de toutes les consolations, ne m'ont pas laissé insensible au plaisir de lire votre Catinat, ou le modèle des guerriers.
Je vous ai plus d'une obligation; c'est la troisième fois que je reçois de belles preuves que vous êtes un excellent citoyen, un brave militaire, et un homme éloquent. Je crois que dans votre illustre corps on rend autant de services aux belles lettres, par son esprit, qu'à l'état par sa valeur.

Mon cher voisin, mr de Varicourt, vient de me dire qu'il est votre camarade et votre ami; il a redoublé tous les sentiments que vous m'inspirez. Je vous avoue, monsieur, que je suis bien fâché que mon âge de 82 ans, et les infirmités qui me persécutent, m'ôtent l'espérance de vous voir. Je suis réduit à vous estimer d'un peu loin; mais mon estime n'en est pas moins forte. Permettez moi, monsieur, de me vanter d'avoir avec vous quelque conformité: j'aime passionnément votre ami monsieur de Varicourt, et je mourrai avec le plus sincère et le plus respectueux attachement pour mr le prince de Beauvau.

Agréez, monsieur, tous les sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être votre &c.

Le vieux malade de Ferney V.