1764-08-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Palissot de Montenoy.

Si Paul avait été toujours brouillé avec Pierre et Barnabé, dont il parla si cavalièrement, vous m'avouerez, monsieur, que notre sainte religion aurait couru grand risque.
La philosophie se trouvera fort mal de la guerre civile. J'ai toujours souhaité, comme vous savez, que les gens qui pensent bien se réunissent contre les sots et les fripons. Je voudrais de tout mon cœur vous raccommoder avec certaines personnes, mais je crois que je n'y parviendrai que quand j'aurai regagné les bonnes grâces des Fréron et des Pompignan.

N'est ce pas Hobbes qui a dit que l'homme était né dans un état de guerre? Je suis fâché que cet Hobbes ait raison. On m'a fait voir je ne sais quel poème de l'abbé Trithème, intitulé la Pucelle; il y a un chant où tout le monde est fou; chacun des acteurs donne et reçoit cent coups de poing. Voilà l'image de ce monde. Je conclus avec Candide qu'il faut cultiver son jardin. En voilà trop pour un pauvre malade.