[c. 15 July 1764]
Mon cher Esculape, j'ay recours à votre amitié.
Voylà monsieur le duc de l'Orge arrivé; et je devrais luy aller rendre mes devoirs. J'aurais dû me présenter aussi devant mesdames de Jaucourt et de Gourgues, mais vous savez mon cher Esculape à quel régime je suis assujeti. Je prends depuis dix ans de votre marmelade quatre fois par semaine. Elle m'a conservé la vie. Mais c'est à des conditions bien génantes et bien dures. Je ne peux sortir et ma faiblesse qui augmente tous les jours me rend incapable des devoirs comme des plaisirs. J'oppose quelquefois un peu de gaieté au triste état dans le quel je languis, mais je n'en soufre pas moins. On a persuadé à Mg l'électeur palatin que je jouissais d'une bonne santé, et il croit que je fais le malade pour ne pas aller chez luy. Il est irrité contre moy parce que je ne fais pas l'impossible. Je vous conjure mon cher ami de me rendre justice et de vouloir bien m'excuser auprès de Monsieur le duc de l'Orge et auprès des personnes à qui je m'interdis le bonheur de faire ma cour. Comptez que soixante et onze ans avec une santé très faible exigent la retraitte. Je compte sur votre bonté que je vous supplie de me continuer.
V.