[c. 26 July 1765]
Vous me direz peut être, mon cher Esculape, qu'après avoir vécu soixante douze ans avec le corps le plus faible, je dois être fort content, de faire mon paquet, partir gaiement, et ne vous pas importuner.
Vous aurez raison, mais je ne vous demande que six mois, parce que mes affaires ne peuvent être arrangées que dans ce temps là.
J'ai à peu près la même maladie qui fit dire il y a trois ans que j'étais mort, après avoir été duement confessé et communié, même mal de gorge, même pesanteur de cervelle, même fiévrotte. Voicy le parti que j'ai pris.
Un peu de casse qui m'a purgé, sobriété qui me soutient, eau d'orge qui humecte et qui adoucit.
Si la maladie augmente je vous suplie de me dire avec quoi vous me purgeâtes. Je suivrai le rêgime que vous m'ordonnerez, et je ne jouerai pas la comédie avec Mlle Clairon qui arrive je crois demain.
Si je trépasse je vous prie de confondre la calomnie de ce petit coquin de prêtre écossais Brown, qui dit à tous les Ecossais que je m'applique des reliques pour la fièvre. Je veux bien qu'on sache que je ne m'applique que vos ordonnances.
Je vous suplie d'envoyer un petit mot chez Mr Souchay à vôtre loisir. Vous savez qu'Esculape rendait quelquefois ses oracles par des billets cachetés.
Je rouvre ma lettre pour vous dire qu'on veut que je vous l'envoye et que je n'attende pas à demain. Mais rien ne presse. Je voudrais seulement savoir ce que c'est que certaine bouteille que vous me donnâtes quand on craignait inflammation. Vale et me ama.