1765-03-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Théodore Tronchin.

Je vous envoie, mon très cher Esculape, la lettre de Mr le Duc de La Vallière.
Lisez, jugez, arrangez vous, et voiez ce qu'il faut que je réponde. Je ne sais s'il convient à Mr Tronchin le conseiller d'Etat de louer les Délices pour quelques mois.

J'ai toujours sur le cœur l'honneur que nous a fait made De Gourgues de venir à Ferney. Made Denis et moi nous étions très malades, et nous ne pûmes peut être répondre comme nous le voulions, aux bontés de made De Gourgues. Vous pouvez compter, mon cher ami, que je ne passe pas un seul jour sans souffrir. Je ne peux oposer à mes maux qu'une entière résignation; mais cette résignation ne suffit pas pour bien faire les honneurs de sa maison.

Je vous demande en grâce de vouloir bien faire ma cour à made De Gourgues dont je connais tout le mérite, et à la santé de laquelle je m'intéresse infiniment.

Je sais que le bâtard du chien de Diogêne n'a pas dit des choses agréables de vous et de moi à made de Luxembourg. Esculape était peint avec un serpent à ses pieds. C'était aparemment quelque Jean Jaques qui voulait lui mordre le talon. Il faut avouer que ce malheureux est un monstre, et cependant, s'il avait besoin de vos secours vous lui en donneriez. Quelle différence, grand Dieu, d'un Tronchin à un Jean Jaques.

V.

Tâchez, je vous prie, de me rendre une réponse prompte chez mr Souchay, afin que je puisse satisfaire l'impatience de mr le Duc de la Vallière.