aux Délices 5e May 1764
Je reçois, mon cher frère, vôtre Lettre du 28e avril.
J'espère que frère Cramer vous fera tenir bientôt les 24 autres éxemplaires qu'il m'a promis de vous envoier. Il m'assure qu'il a ôté mon nom qu'il avait mis malheureusement à la tête des contes de Guillaume Vadé, et qu'il n'en paraîtra pas un seul éxemplaire avec ce malheureux tître. Je vous demande en grâce de me renvoier la lettre que je vous écrivis à ce sujet (c'est celle du 18e avril). Ceux à qui vous l'avez montrée l'ont empoisonnée. On lui a écrit que je m'étais plaint à vous de la manière la plus dure et la plus humiliante pour lui. Vous savez qu'il n'en est rien. Rendez moi, je vous prie, le service de lui mander combien vous êtes indigné contre ceux qui troublent la société par ces infâmes calomnies. Je ne vous ai certainement jamais parlé de lui qu'avec estime et amitié, c'est un de nos frères; rendez moi justice auprès de lui, je vous le demande instamment. Cette avanture me fait une peine extrême. Renvoiez moi ma Lettre, et écrivez lui en une qui mette du beaume sur sa plaie. Aureste, je ne prends nul intérêt à Guillaume Vadé, ni à son recueil, ni aux autres pièces qu'on a pu y insérer, et pour peu que l'on trouve dans ce recueil des choses trop hardies qui me seraient sans doute imputées, je vous demande en grâce de dire à Mr De Sartine, que nonseulement je n'ai nulle part à ces pièces, mais que j'en demande moi même la supression suposé qu'on me les attribue. Je sais à quels éxcez pourait se porter une cabale dangereuse de fanatiques qui n'ont que trop de crédit. J'avais dans Made De Pompadour une protectrice assurée, je ne l'ai plus; je suis dans ma 71me année, et je veux finir mes jours en paix. Je suis une victime échapée au couteau des prêtres; il faut que je paisse en repos dans les pâturages où je me suis retiré. Que nos Lettres, mon cher frère, ne soient que pour nous et pour les adeptes. Je vous embrasse tendrement, Ecr: l'inf: tant que vous pourez.