1763-08-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d'Argental.

L'un des anges, je reçois la lettre dont vous m'honorez du 4e auguste.
Je vous envoie, pour vous amuser, un premier acte, un peu plus poli que n'était l'autre, plus dialogué, et plus convenable. Il y a, dans tous les actes, des morceaux que j'ai fortifiés, mais à présent que j'ai un maudit procès pour mes dîmes, et que je fais des écritures, je ne peux guère faire d'écrits; j'ai eu douze jours de bon, je les ai employés à brocher un drame, cela est bien honnête. Avouez, madame, qu'il sera bien plaisant d'être sous le masque, donnez vous ce plaisir là, je vous prie.

J'ai peur que mr le duc de Praslin n'aime pas mon impératrice de Russie, j'ai peur qu'on ne la dégote; il ne me restait plus que cette tête couronnée, il m'en faut une absolument.

J'ai lu les quatre saisons du cardinal de Bernis, c'est une terrible profusion de fleurs. J'aurais voulu que les bouquets eussent été arrangés avec plus de soin. Je jouis pleinement de ce qu'il a chanté. Vous ne savez pas, madame, combien l'on est heureux d'être à la campagne, et peut-être qu'il ne le sait pas non plus.

Je ris aux anges, c'est à dire que je suis rempli pour vous, madame, du plus tendre respect.

V.

Mad. Denis, et ma petite famille qui rit et saute tout le jour, baisent humblement le bout de vos ailes.