Ce 25 avril 1777
Aux jeunes amoureux, déjà les bouquetières,
Fournissaient tous les jours des bouquets élégants;
Des ruches d'Aristée, on voyait, dans nos champs,
Voltiger par essaims les chastes ouvrières;
Le printemps paraissait régner dans nos climats;
Mais le fier Aquilon, retournant sur ses pas,
Est venu secouer sur nos fleurs printanières
Ses cheveux couverts de frimats.
J'étais désespéré, et je ne croyais pas, monsieur, pouvoir vous féliciter sitôt sur le retour d'un temps que tout le monde désire pour vous. Je n'ai point fait d'hymne au soleil, parce que je ne suis pas Grec; je l'ai prié très humblement: mes vœux sont exaucés.
J'entends dans nos bosquets la voix de Philomèle,
Et sa sœur, l'agile hirondelle,
En fuyant son époux, songe à d'autres amours.
Cybèle, en reprenant ses plus brillants atours,
Nous invite à jouïr de la saison nouvelle,
Et nous promet les biens qu'annoncent les beaux jours.
Phébus aux Antans fait la guerre;
Et ces audacieux qui désolaient la terre,
Maintenant tremblants et craintifs,
Dans leurs antres profonds, pour longtemps sont captifs:
Quand ce dieu les combat il te couvre de gloire.
Tel un chrétien contre six juifs
Est sûr de remporter une entière victoire.
Les signes les plus certains du départ de l'hiver, ce sont les légumes que je prends la liberté de vous envoyer; leur inspection vous prouvera mieux, sans doute, le retour de Zéphire et de Flore, que les observations de Mathieu Laensberg, et des autre astronomes ses confrères. Qu'importe que le soleil entre dans la maison du Bélier ou dans celle du Taureau, si la terre nous enrichit de ses productions!
Je voulais, à l'imitation des frères capucins, lorsqu'ils portent des salades nouvelles à leurs bienfaiteurs, vous faire un petit compliment. J'ai été rôder autour du Parnasse; mais Pégase m'a lâché une ruade dont je me sens encore, et Phébus m'a congédié en disant de vous: Monsieur,
Son triomphe est le mien, notre gloire est commune;
Vous le voyez couvert de lauriers immortels,
A quatre-vingt-quatre ans, autour de mes autels,
Caresser les neuf muses, et n'en rater aucune.
Daignez, Monsieur, recevoir avec bonté les assurances de mon respect.