1763-06-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mes anges est ce encor le coadjuteur qui a fait rendre ce bel arrest contre la petite vérole?
Messieurs ont apparemment voulu fournir des pratiques à Geneve. Depuis l'arrest contre L'émétique on n'avait rien vu de pareil. Il me semble que la philosophie a donné de l'ardeur aux Gilles. Plus la raison se fortifie d'un côté, plus la grave folie établit ses tréteaux. Vous ne concevez pas jusqu'à quel point on se moque de nous en Europe. Je vous le dis souvent. Après qu'un Berrier a gouverné votre marine il manquait un Omer et vous l'avez. Ce sont là de ces pièces qui sont siflées dans le parterre de touttes les nations qui pensent. A vous dire le vrai, je ne suis pas fâché de cette équipée. J'en ferai mention en temps et lieu pour égaier mes œuvres posthumes.

Je n'ay nulle nouvelles de la gazette littéraire que vous protégez, nulle correspondance encor établie. J'ay bientôt épuisé ma Suisse qui fournit plus de soldats que de livres. Les auteurs ne m'ont pas fait tenir une feuille de leur gazette. Si monsieur le duc de Pralin approuvait la manière dont je veux m'y prendre pour avoir les livres nouvaux d'Italie, d'Angleterre, et de Hollande, je servirais avec zèle et avec promtitude. Mais je ne reçois ny ordres ny livres et je reste oisif. Tant mieux, me dites vous, vous aurez plus de temps de travailler à Olimpie. Mes anges je suis épuisé, rebuté, je renifle sur cette Olimpie. Il faut attendre le moment de la grâce et cultiver le jardin de Candide.

Je baise les plumes de vos ailes.

V.

Permettez vous que je mette l'incluse dans votre paquet?