1763-05-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Pour le coup c'est au premier commis d. vmes que j'écris.
Je vous prie mon cher frère de me dire si on paye les trois vingtièmes pour l'année 1763. On me les demande pour la partie de mes terres qui n'est pas franche car ce que j'ay acquis pour m'arondir est sujet aux charges de l'état. C'est peu de chose, et il est très juste de payer des taxes nécessaires, mais on devait donc avertir dans l'édit que le 3ème vingtèm supprimé se payerait cette année.

Aprésent mon cher frère je parle au philosophe. Le cœur me saigne toujours de les voir dispersez et peu unis. Ils ne font pas tout le bien qu'ils pouraient faire. Ils pouraient s'ils s'entendaient faire triompher la raison. Le premier service est ce me semble d'ôter l'ivroye et les chardons de la terre qu'on cultive et c'est à quoy le Jean Mélier me paraît bien propre. Ce bon homme qui ne prétend à rien, et qui avertit les hommes en mourant est un merveilleux apôtre. Ne pui-je vous envoier quelques Méliers par mr de Courteilles dont les paquets ne sont jamais ouverts?

On dit que la mort de Socrate est froide. Je m'y attendais, mais j'en suis bien fâché. La philosofie n'est pas faitte pour le téâtre à moins qu'un intérest très grand et des passions très vives ne soutiennent la pièce.

Que fait Tiriot? que font tous les frères?

Ecr. l'inf.

Faittes moy l'amitié je vous prie de faire parvenir l'incluse à mr Marmontel.