1763-01-26, de Marie Louise Denis à Ponce Denis Ecouchard Lebrun.

Puis qu'à la réception de ma lettre monsieur vous ne m'avez pas envoyé un parent de Racine pour épouser melle Corneille nous avons pris un jeune cornette de dragons de vingt trois ans, d'une très jolie figure, de mœurs charmantes, bon gentilhome, mon voisin, possédant à ma porte environ 10 m. livres de rente en terres. J'arrange ses affaires, je donne une dot honnête, je garde chez moy les mariez. Il est juste que vous ayez la première nouvelle de cet arrangement puisque c'est à vous que je dois melle Corneille. Il faut que votre nom soit au bas du contract. Envoyez moy un ordre par le quel vous me commettrez pour signer en votre nom.

Je ne sçais pas où melles Felis et de Villegenou demeurent. Je leur dois la même attention. Je vous supplie de leur faire rendre mes lettres, et de vouloir bien envoyer le paquet contenant leur réponse et la vôtre à monsieur d'Amilaville, premier commis du vingtième, quai st Bernard. Je quitte la plume pour la donner à une main plus agréable que la mienne.

Vous êtes monsieur le premier autheur de mon bonheur. Il m'en est plus présieux. Je me joins à Monsieur de Voltaire pour vous dire que je serai toutte ma vie, avec la plus sensible reconaissance, Monsieur,

Vôtre très humble et très obéissant servante

Corneille

Je présente mes obéissances à Madame votre femme que je n'oublierai jamais.

Je ne sçais où prendre mr du Molard. Si vous le voyez monsieur je vous prie de vouloir bien l'assurer de mes sentiments pour luy.

Soyez surtout persuadé de ceux que je vous ai vouez bien sincèrement.

Il est plaisant que le nom de notre mari soit Dupuy, tandis qu'on donne le mariage de mr du Puy à la comédie. Cela est d'un bon augure. On dit que la pièce est très jolie. Notre Dupuy l'est aussi.

Avouez monsieur que melle Corneille a eu une étoile bien singulière, si tant est qu'on ait une étoile.

De tout mon cœur v. t. h. ob. str

V.

Mes respects à me Lebrun.