1763-01-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Élie Bertrand.

Vôtre dictionnaire doit faire fortune, mon cher philosophe; il est neuf, il est utile, et il me parait très bien fait.
Je crois, qu'il faudra d'oresnavant tout mettre en dictionaires. La vie est trop courte pour lire de suitte tant de gros livres; malheur aux longues dissertations! Un dictionaire vous met sous la main dans le moment, la chose dont vous avez besoin. Ils sont utiles surtout aux persones déjà instruites, qui cherchent à se rappeller ce qu'ils ont sçu.

Je vous suis infiniment obligé de vôtre très bon livre; vous pouvez ajouter dans une seconde Edition, à l'article fer, que tous ceux qui ont voulu entreprendre des fabriques de fer fondu avec mr de Reaumur, se sont ruinés. Dès qu'il était instruit d'une découverte faitte dans les païs étrangers, il l'inventait sur le champ. Il avait même inventé jusqu'à la porcelaine; il faut avouer d'ailleurs que c'était un fort bon observateur.

Vous êtes bien bon de dire que vous ajoutez peu de foi à la baguette divinatoire; est-ce qu'il y aurait des gens qui y crussent à Berne? Pour moi j'ai beaucoup de foi à toutes vos observations; j'y ajoute l'espérance de vous revoir quelque jour, et la charité, c'est à dire l'amitié qui unit les philosophes. Voilà mes trois vertus Théologales.

Ne m'oubliez pas, je vous en prie, auprès de Mr et de made de Freüdenrik.

Votre très attaché et très fidèle serviteur.

V.