11 août 1755
… Les amis de Voltaire disent qu'il est dans une agitation à faire pitié, il a sçu que je vous avois prié d'empêcher qu'on n'insérât quelque chose contre lui dans la gasette de Berne, et que je l'avois défendu autant que je l'avois pu, il m'a écrit pour m'en remercier, je l'informerai de votre attention pour lui.
Je crois qu'il est mieux de ne pas faire mention de ses vers dans la gasette, ni de ceux qu'on lui a faussemt attribüez, cela ne feroit qu'exciter la curiosité.
Je ne comprends pas comment Grasset est en correspondance avec des gens de probité comme Mr le Prof. Haller, sans doute il n'en est pas connu; c'est un misérable, fils de la nourrice d'un de Mrs les Frères Cramer Libraires; ils l'ont nourri et élevé dans sa jeunesse, ils en avoient fait un de leurs commis, ils mettoient en lui toute leur confiance, et il leur a volé une grande quantité de livres qu'il envoyoit en païs étranger, j'en ai vu les preuves et ses propres reconnoissances, si ces Messieurs l'avoit déféré à la justice, il y en avoit assez pour le faire pendre, ils ont eu la charité de lui pardonner et de lui faire quittance, il promit alors de quitter Geneve et la librairie, et cet ingrat a cherché dès lors à nuire à Mrs Cramer et à leur commerce, il a même osé revenir impudemment à Genève, où il avoit reçu un affront sensible pour un homme de sa sorte, car il avoit été chassé par ses camarades d'une escoüade de grenadiers de notre milice. Il est reparti de notre ville dans la crainte d'être poursuivi par la justice, j'ignore où il est allé; mais il seroit bon de le faire connoitre à ceux qui peuvent être en relation avec lui, afin qu'ils n'en soyent pas trompez….