aux Délices 8 juillet [1762]
Je conçois votre bonheur mon grand magistrat qui êtes le plus aimable des hommes, et je tiens madame de Paulmi aussi heureuse que vous. J'aurais voulu voir monsieur votre fils faire aussi des chansons pour sa sœur. Mais peutêtre qu'avec ses bonnes qualitez il n'a pas le cœur aussi tendre que vous. J'attends avec impatience votre mémoire, et j'espère toujours que ce mémoire terminera tout. Monsieur votre fils le lira, et se rendra.
Je prends la liberté de vous envoyer deux pièces singulières d'un procez affreux dont je vous ai déjà parlé. Vous verrez avec quelle naiveté la nature que vous aimez tant, s'exprime. Cette avanture est ce que je connais de plus horrible depuis que je suis au monde. Il faut s'écrier
J'ay pris cette affaire à cœur du fonds de ma retraitte. J'ay vu une famille que je crois innocente abandonnée de tout le monde et livrée à l'infortune la plus affreuse. Tout ce que je vois de loin, tout ce que j'entends redouble mon goust pour la retraitte. Que ne pui-je goûter les charmes de la vôtre? pourquoy faut il que Pierre Corneille en faisant mes plaisirs fasse mon esclavage? Nous avons imprimé presque touttes ses bonnes pièces. Je serai bientôt réduit à commenter ce qui m'ennuiera, c'est un triste métier.
Je crains d'avoir perdu un dessein de mr de Voge. Il réparera ma sottise par un dessein meilleur. Je vous présente mon sincère respect. Permettez que j'en fasse autant à madame la marquise de Paumi.
V.
J'adresse le paquet à mr de Villeneuve que je crois franc de port.