1762-06-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Philippe Debrus.

Plus je réfléchis monsieur sur l'épouvantable destinée des Calas, plus mon esprit est étonné et plus mon cœur saigne.
Je vois évidement que l'affaire trainera à Paris, et qu'elle s'évanouira dans les délais. Le chancelier est vieux. La cour est toujours bien tiède sur les malheurs des particuliers. Il faut de puissants ressorts pour émouvoir les hommes occupez de leurs propres intérêts. Nous sommes perdus si l'infortunée veuve n'est pas portée au roy sur les bras du public attendri, et si le cri des nations n'éveille pas la négligence.

Il faut absolument que je vous parle aujourd'hui. Je vous prie que Donat Calas soit à portée, que mr l'avocat de Gobre(j'écris mal son nom) soit de notre conférence. Appelez y qui vous voudrez, mr Martine ou un autre. Plût à dieu que M. Tronchin le professeur y fût. Donnez moy votre heure, je me rendrai chez vous ou chez mr Tronchin à l'heure que vous prescrirez.