25e juin 1762, aux Délices
Monsieur,
Mr le Prince de Galitzin a eu la bonté de me faire tenir le paquet, contenant mes chapitres du second Tome de Pierre Le Grand, accompagnés de vos judicieuses remarques.
Soiez bien persuadé que je me conformerai en tout à vos idées, et que j'aurai la plus grande attention à ne vous jamais compromettre. L'ouvrage ne poura paraître que dans l'année 1763, parce que les engagements pris avec le public pour L'Edition de Pierre Corneille ne souffrent aucun délai.
J'eus l'honneur de répondre, il y a près d'un mois, par duplicata aux ordres que vous me donnâtes touchant Mr de Soltikoff. Je vous mandai qu'on avait reçu une de ses Lettres dattée de Hambourg au mois de mars. Il notifiait par cette Lettre, qu'il retournait en Russie; et je me flattais, comme je me flatte encor, que ce jeune homme est auprès de vous, aussi digne de vos bontés que je l'en ai vu pénétré. Pour moi, je n'ai point eu de ses nouvelles, et j'en ai été d'autant plus affligé, que nous le regardions dans nôtre maison comme nôtre fils.
Ce que vous me dites, Monsieur, dans vôtre Lettre du 1er May me fait concevoir l'espérance de vous voir. Il est naturel de faire voyager Monsieur vôtre neveu, à qui vous tenez lieu de Père, vous voyageriez avec lui. Il n'y a point de nation qui ne s'empressât à vous témoigner l'estime qu'on a pour vôtre personne. Le Mécène de la Russie sera par tout reçu comme l'eût êté le Mécène de Rome.
NB. J'ajoute que j'ai toujours la Lettre cachettée en billet que vous m'avez envoyée pour Mr de Soltikoff, et que j'aurai l'honneur de vous la renvoyer à vôtre première réquisition.
J'ai eu L'honneur de vous écrire par un négotiant suisse qui doit actuellement vous avoir remis ma Lettre.
Je serai toutte ma vie avec le plus tendre respect Monsieur,
de votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire