1762-04-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

J'ai l'honneur de vous envoyer, monsieur, de la part de m. Frichebeaume, libraire, la brochure ci-jointe.
Vous êtes assez affermi dans notre sainte religion pour lire sans danger ces impiétés, mais je ne voudrais pas que cet ouvrage tombât entre les mains de jeunes gens qu'il pourrait séduire.

On est toujours indigné ici de l'absurde et abominable jugement de Toulouze. On ne s'en soucie guère à Paris où l'on ne songe qu'à son plaisir, et où la St Barthelemi ferait à peine une sensation. Damiens, Calas, Malagrida, une guerre de sept années sans savoir pourquoi, des convulsions, des billets de confession, des jésuites, le discours et le réquisitoire de Joli de Fleuri, la perte de nos colonies, de nos vaisseaux, de notre argent, voilà donc notre siècle! Ajoutez y l'opéra comique, et vous aurez le tableau complet.

On m'a donné cette lettre pour m. Saurin; je vous supplie de vouloir bien la lui faire parvenir.

J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Ribienbotte