A Versailles, ce 11 avril [1762]
Je ne vous écris pas, ma chère marmotte, parce qu'il faut éviter ses amis quand on a de l'humeur, j'en ai un peu de la Martinique; quoique je me sois attendu depuis plusieurs années à cette perte, le moment a été sensible.
J'aimerais mieux que dix mille czars nous quittassent sur le continent que de perdre un pouce de terre en Amérique; au lieu de cela, il n'y en a qu'un qui nous abandonne et quel czar! et nous perdons la Martinique. Votre ami le roi de Prusse doit être bien à son aise à présent; je lui souhaite de la santé et de la gaîté; voilà les vrais biens; la gloire est une chimère, et la terreur est un plaisir horrible. J'aime mes Suisses à la folie, je voudrais n'être occupé que d'eux, et en particulier de votre jeune Galatin. Adieu, aimable marmotte, vous êtes heureux; vous ne travaillez que pour votre plaisir et celui des autres; bien différent de moi qui ne m'occupe que de faire tout amis et ennemis. Je vous embrasse de tout mon cœur.