aux Délices 13 septbre [1758]
Les hermites du lac présentent leurs hommages aux seigneurs du mont Jura.
Ils se flattent que l'hiver les rassemblera tous au tripot, et que les tragédies, les comédies, les opera buffa leur feront oublier tous les maux qui affligent l'Europe. Consolez vous monsieur de n'être pas au nombre de ceux qui versent inutilement leur sang dans cette horrible guerre, elle finira probablement comme celle de 1741. Les choses resteront comme elles étaient avec la perte de trois ou quatre cent mille hommes. Jouissez monsieur de votre heureux repos que vous occupez par les plaisirs. Vous êtes fait pour la société autant que pour la guerre, il n'y a pas d'apparence que la Hollande se mêle jamais de la querelle qui désole tant de provinces. Elle s'enrichit des folies des autres, et en cela elle est très sage. Mais vous êtes plus sage encor d'avoir et de donner du plaisir.
Vous étiez destinez monsieur votre frère et vous, à soufrir le martire dans le territoire de Geneve. On vous y a coupé trois artères, on luy a ouvert la jambe. [?On en a tiré] vingt [pintes] de pus et [ . . .]. Vous serez tous deux frais et dispos cet hiver à Lausane. J'ay bien peur qu'il n'en soit pas de même du vieux Lusignan cacochime, à qui l'hiver est mortel. Je ne fais point le malade comme le Roi de Prusse. Puissent ses victoires nous donner la paix. Puisse sa gloire faire le bonheur du monde. Adieu monsieur jusqu'au mois de novembre. Je serai à vos ordres, moy et les miens. J'ay deux petits neveux excellents acteurs pour jouer le rôle de gardes. Mille tendres respects à madame Dhermanches et à tous ceux qui ont le bonheur de vivre avec vous.
le suisse V.