1762-01-27, de Reichsfürst Wenzel Anton von Kaunitz-Rietberg à Voltaire [François Marie Arouet].

J'ai différé de répondre, Monsieur, à la Lettre que Vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 22e Decembre dernier, parceque j'ai voulu pouvoir Vous mander que votre commission étoit faite.
Le Paquet que Vous m'avez adressé, a été dépêché, il y a quelques jours par courier, et sera peutêtre parvenu actuellement à sa destination. J'aurai l'honneur de Vous informer qu'il a été remis à Monsr Le Comte Ivan Schubalow dez que l'avis m'en sera parvenu; Mais en attendant je ne saurois vous cacher, Monsieur, que Vous avez mis mon exactitude sur ce qu'on me confie, à une rude épreuve en m'envoyant le paquet cacheté; Il faut que Vous ne sachiez pas apparemment le cas infini que je fais de tout ce qui sort de votre génie, en me croyant si peu curieux. Je n'en trouve pas moins cependant votre délicatesse très légitime, et moyennant cela je suis bien éloigné de Vous en sçavoir mauvais gré, pourvu que de votre côté Vous me pardonniez ègalement d'avoir été un peu fâché de ne pas voir ce que j'aurois vû, sans doute, avec un grand plaisir. Disposez de moi, je Vous prie, par la suite, et faites moi l'honneur d'être persuadé que je suis trop flaté de votre Estime et de votre Amitié, pour ne pas saisir avec empressement les occasions de pouvoir Vous en témoigner ma reconnoissance et tous les Sentimens avec lesquels j'ai l'honneur d'être

Monsieur

Vôtre très humble et très obéïst Serviteur

Kaunitz-Rietberg