le 9e décembre 1761 à Genève
Monseigneur,
Monsieur de Voltaire est revenu aux Délices, où je suis d'abord allé le voir. Il me parla beaucoup de votre excellence, il aurait souhaité d'avoir le plaisir de connaître ce Russe si digne d'admiration, si son âge ne l'en empêchait. Etant tête à tête près de trois heures, il me dit qu'il est fort embarrassé de l'affaire du tzarevich, en qui il ne trouve la moindre faute qui méritât un traitement sévère. Il sera difficile, dit-il, de persuader au public le contraire de ce qu'il pense. Je lui répondis, que plus l'affaire était difficile plus il s'acquerrait de gloire, en s'en tirant avec honneur, et plus on lui saura de gré d'avoir tâché de ménager une circonstance aussi délicate. Il promit de nouveau, de ne rien dire, dont notre cour puisse être mécontente.
J'ai l'honneur de me recommander dans la très gracieuse protection de votre excellence et d'être avec le respect le plus profond et le plus zêlé,
monseigneur
de votre excellence le très humble et très dévoué serviteur
Boris Solticoff