1761-08-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Louis Lekain.

Mon cher Roscius je vous écris rarement, la poste est trop chère pour vous faire payer des lettres inutiles.
Je sollicite mr d'Argental pour le jeune débarqué et dégoûté de Prusse. Vous pouvez luy dire que j'ay mieux aimé m'adresser à celuy qui tire mes amis de prison qu'à celui qui les y fait mettre.

J'ay lu le mémoire de votre avocat contre les excomuniants. Il y a des choses dont il est à souhaitter qu'il eût été mieux informé. J'avais écrit il y a quelques années au confesseur du pape, à un téologien pantalon de Venize, à un preté buggerone de Florence, et à un autre de Rome pour avoir des autoritez sur cette matière. Je crois avoir remis les réponses entre les mains de Mr Dargental.

Cette excomunication est un reste de la barbarie absurde dans la quelle nous avons croupi. Cela fait détester, ceux qu'on appelle rigoristes. Ce sont des monstres ennemis de la société. On accable les jésuittes, et on fait bien, ils étaient trop insolents, mais on laisse dominer les jansénistes, et on fait mal; il faudrait pour saisir un juste milieu, et pour prendre un parti modéré et honnête étrangler l'auteur des nouvelles ecclésiastiques avec les boyaux de frère Berthier.

Sur ce je vous embrasse.

V.