A Versailles, ce 23 avril [1761]
Je vous demande mille pardons, mon cher solitaire, d'avoir été si longtemps sans vous écrire; j'en suis d'autant plus fâché que mon silence forcé occasionne nécessairement la rareté de vos lettres et que je vous assure que, dans le nombre de celles que je suis dans le cas de lire, les vôtres avaient la préférence et me soulageaient du fatras de misères que l'on se croit obligé de me mander et auxquelles moi encore plus sottement, je suis forcé de répondre.
J'ai eu ces deux mois-ci un travail un peu forcé; je me trouve à mon courant, car nos armées et nos côtes sont en état; je n'ai plus qu'à laisser aller les choses au gré de la providence, tant pour le militaire que pour le politique, et, à la fin de l'année, nous ferons le décompte général. Dieu sait où nous en serons alors; mais tout ceci peut tourner à bien, car la paix devrait en être le sceau si nos ennemis n'ont pas le diable au corps, et en vérité je ne les crois pas sorciers.
Adieu, mon cher solitaire, votre épître est charmante; écrivez moi, pardonnez moi et aimez moi.