A Versailles, ce 12 octobre [1760]
Je vous renvoie, ma chère marmotte, l'épître dédicatoire; elle est approuvée; l'on en est reconnaissant et elle mérite plus de réflexions et a plus d'agréments que celle de Choisy, dont j'ai aperçu quelques traits qui m'ont ennuyé apparemment parce que je ne suis pas archevêque, etc.
La vôtre moins sacrée m'a fait grand plaisir.
Je vous remercie du premier tome de Pierre I er . Il est comme tout ce que vous faites; vous me dégoûtez des livres; je brûlerai tous ceux qui ne seront pas de vous; ils ne font que tenir de la place dans ma chambre et je ne lis que vos ouvrages. Vous me dégoûterez même des dépêches; rien de si saillant cependant que celles qui sortent de la poussière de Ratisbonne. A propos de dépêches, la lettre du roi de Prusse au marquis d'Argens est vraie; la cour de Russie me l'a adressée en original. Pourquoi diable ce prince me trouve-t-il fol et inconséquent; il est comme ceux qui ont la jaunisse; je suis curieux de la réponse qu'il vous fera à ma demande ministérielle. On dit que les Russes, les Suédois, les Autrichiens, l'armée de l'Empire, doivent se rendre à Berlin; cette ville ressemblera à Alexandrie du douzième tome de Cléopâtre.
Si vous voulez m'adresser un exemplaire de votre Histoire de Pierre I er pour le roi, je crois que sa majesté le recevra avec plaisir.
Je vous protégerai auprès de Dargental; cette négociation sera bien difficile; je suis dans le cas de n'en pas faire d'autres, surtout depuis que j'ai appris que nous avions perdu Montréal et par conséquent tout le Canada.
Si vous comptiez sur nous pour les fourrures de cet hiver, je vous avertis que c'est en Angleterre qu'il faut vous adresser. Adieu mon cher solitaire.