A Choisy, ce 19 septembre [1760]
Je vous renvoie l'épître dédicatoire, mon cher solitaire, telle qu'on la veut; on y ajoute la condition que si, comme je vous l'adresse et non autrement, vous l'approuvez, il n'y aura point de préface à la pièce, par ce que l'on ne veut pas absolument être compromis.
Ainsi donc cette épître dédicatoire corrigée sans préface, ou une préface dans laquelle vous direz ce que vous voudrez sans épître dédicatoire; l'on vous laisse le choix; je prendrais à votre place le premier parti, quoique je sois sûr que l'on ne sera pas choqué du second.
Si vous me dédiez Médine dont j'aime les deux premiers actes surtout passionnément, je vous demande en grâce de m'envoyer d'avance l'épître dédicatoire. Ce que vous écrivez n'est pas indifférent; ce ne sera pas pour y retrancher ce qui regarde les gens de lettres que j'aime, mais pour empêcher que vous ne vous offusquiez de votre amitié pour moi. Voilà l'histoire des épîtres dédicatoires arrangée. J'en ai bien une autre; il faut que vous écriviez à Luc et que, dans le cours de votre lettre, vous y mettiez le passage que je vous envoie tout fait; tâchez en même temps, par tout ce que vous manderez, qu'il vous fasse une réponse; vous en sentez la conséquence pour moi. Adieu, mon cher solitaire, etc.
J'ai été à Tancrède, j'ai pleuré à chaque scène; les vers croisés m'ont déplu faute d'habitude; il me paraît qu'ils ôtent le charme de votre poésie, et le regret de quelque chose de vous que j'attends me chagrine. Les deux premiers actes sont mieux ou plus courts qu'ils étaient, le rôle du père toujours ennuyeux; celui de Grandval trop peu chevalier; le reste à merveille. Et des pleurs et du spectacle, voilà ce qu'il y a de bon.