[c. 14 January 1761]
Je vous remercie, caro Gabriele, de vos bontés, et cela bien tendrement.
L'affaire du pauvre Croze est incompréhensible partout ailleurs qu'en France.
Un prêtre! un assassinat prémédité! Un billet de garantie donné par ce prêtre à ses complices! Il mérite la roue, et il est encore impuni.
Il y a quinze jours que de Croze est entre la vie et la mort, et son assassin dit la messe! Le décret n'est point mis à exécution; on cherche à temporiser, on veut s'accommoder et transiger avec la partie civile.
Que Philibert aille sur le champ chez madame d'Albertas; qu'elle fasse dire à Croze père que s'il est assez lâche pour marchander le sang de son fils, il deviendra l'horreur du genre humain.
Qu'on aille chez lui, qu'on l'encourage, qu'il ne rende pas peines inutiles. Cette affaire m'en donne assez. Que le géant Pictet coure à Sacconex, qu'il ait la bonté de parler à Croze. Il ne faut pas qu'il épargne l'argent. Un des assassins a plus de dix mille écus de bien; le curé est très riche. Il y aura des dédommagements très considérables.
Corpus poetarum!… Envoyez le moi donc.
Au nom du bon goût, Allobroges que vous êtes, forme moins large, marge plus grande pour la prose. Que ces longues lignes pressées font un mauvais effet à l'œil! Ah! barbares! Quand vous aurez fini, gardez-vous bien d'envoyer au roi de Prusse. Laissez-moi ce petit plaisir.
Comment vont les yeux de madame Gabriel?
Tuus V.