1760-11-29, de Ponce Denis Ecouchard Lebrun à Voltaire [François Marie Arouet].

Je vous prie de croire, monsieur, que personne, après mademoiselle Corneille, n'est plus sensible que moi aux grâces que vous mêlez à votre bienfait.
Je me félicite de plus en plus d'avoir uni deux noms si chers à ma patrie, et j'ose dire à l'Europe. Je précipiterai le départ de mademoiselle Corneille, pour hâter son bonheur. Madame Le Brun et moi comptons la mener mercredi pour ses adieux chez madame Dargental; madame Lauraguès s'y trouvera; elle est curieuse de voir avant son départ votre illustre protégée. Tout ce qu'il y a ici de gens de distinction et de mérite applaudissent à son bonheur. Ce départ sera vendredi, s'il est possible.

Croyez, monsieur, que tous les petits détails d'un voyage qui vous intéresse m'honorent infiniment. Il n'appartenait qu'à vous d'être un bienfaiteur assez noble, assez délicat pour me remercier de l'intérêt que je prends au nom de Corneille, tandis que ce nom vous devra tout, et que le public en est instruit. Vous me flattez d'un peu d'amitié, c'est le plus beau présent que vous puissiez me faire. Mes sentiments le méritent peut-être, et je puis vous dire:

Si ma place est dans votre cœur,
Elle est la première du monde.

J'ai l'honneur d'être plus que personne,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur

Le Brun

Je vous prie de faire agréer mes respects à madame Denis. Je reçois dans le moment une lettre de m. le président Hénault, au sujet de ma prière et de votre bienfait. Elle est pleine d'esprit et de sentiment, et rend hommage à la noblesse de votre procédé.

M. Mallet, genevois, homme de lettres, doit avoir eu l'honneur de vous présenter six exemplaires de l'ode imprimée.