Aux Délices 4e[November 1760]
Avez vous reçu ma chère nièce un paquet dans lequel il y avait un exemplaire de l'histoire du Czar, avec un autre livre, le tout accompagné d'une lettre pour vous, pour votre fils et pour vos amis?
Il y a un mois que vous devez avoir reçu cette cargaison si mmrs de la poste m'ont tenu parole. Votre silence me fait craindre qu'il n'y ait quelque négligence de la part de ceux qui favorisaient mes petits envois, et qui peut être se sont lassés de les favoriser. C'est un malheur attaché à l'absence. Votre frère me manda, il y a quelques jours qu'il serait bientôt chez vous. J'ignore s'il est déjà à Hornoy. Je vous prie de lui faire mes compliments. Vous venez de perdre votre oncle Montigni; il faut donc s'accoutumer à perdre ses oncles, et que la loi de la nature s'accomplisse. Nous en sommes actuellement aux cousins. D'Aumart est condamné à mort par la Tournelle de Tronchin. Qui aurait cru que ce jeune homme de vingt ans passerait avant moi. L'état où il est et la mort de votre oncle ont fait cesser nos petits spectacles.
Je ne sais aujourd'hui aucune nouvelle. Le roi de Prusse m'a écrit en rentrant en Saxe. Il me paraît de bien mauvaise humeur. Tout le monde désire une paix qu'il paraît presque impossible de faire. Vous savez que mr de Montmartel répond des fonds pour l'année prochaine. Le crédit est la base de tout et le crédit n'est qu'entre ses mains. Il fera sans doute des élèves qui auront son secret. La France a de grandes ressources et en aura toujours, même malgré la perte de sa marine. Nous n'avions point de marine du temps de Henri 4, et cependant ce grand roi fut l'arbitre de l'Europe. On n'est occupé à Paris que de plaisirs et de murmures. Pour nous autres, nous ne songeons qu'à nous réjouir. Je vous embrasse de tout mon cœur vous et les vôtres.