[c. 20 September 1760]
J'ay reçu, Monsieur, votre lettre à la campagne et j'en rendray compte dans quelques jours à m. le chancelier.
Il est certain que la plus part des libelles qui ont paru depuis quelque tems pour et contre m. de Voltaire et d'autres gens de lettres sont très répréhensibles. Il est certain aussi qu'un homme aussi célèbre que m. de Voltaire et qui fait autant d'honneur à son siècle et à sa patrie mérite beaucoup d'égards. Ainsi vous aviés plus d'un motif pour vous rendre à ses désirs et pour faire les recherches qu'il souhaitoit; cependant je vous avoueray que je voudrois pour l'honneur d'un si grand homme qu'il fût plus modéré dans ce qu'il écrit contre ses ennemis, et moins ardent dans la poursuite de ceux qui écrivent contre luy.
Je ne connois point les dialogues chrétiens dont vous me parlés et je ne me rappelle point qu'ils ayent esté imprimés à Paris. Mais comme je n'ay pas icy mes registres ny mes bureaux je peux me tromper. Si vous avés sur cela quelque nom à me donner je vous en seray obligé.
Pour l'épitre du diable c'est certainement un libelle diffamatoire et qui ne pourroit tout au plus avoir son excuse que dans le désir de représailles qui entre auteurs est assés établi. Ainsi je crois que vous pouvés dès àprésent et sans attendre la réponse de m. le chancelier faire piloner les 22 exemplaires que vous en avés saisis.
Mais je crois qu'il seroit injuste de faire par la suite une recherche bien sévère àmoins de rechercher pareillement le pauvre diable, le russe, la vanité, etc. Toutes ces brochures sont malheureusement si répandues que nous nous comprometrions inutilement si nous faisions bien des efforts pour en arrester le cours.
Il me paroit que vous avés fait part à m. de la Michodière de ce qui s'est passé jusqu'à présent au sujet de cette affaire. Je vous prie de l'informer aussi de ce que j'ay l'honneur de vous mander. Il est bon que nous marchions tous les trois parfaitement de concert, c'est par ce seul moyen que les affaires peuvent se bien faire.
Vous connoissés les sentimens avec lesquels j'ay l'honneur d'estre Monsieur.