Monsieur,

J'ay l'honneur de vous raporter Les Papiers que vous aviés eu la bonté de me confier.
Je les ay remis entre les mains de m^r votre secrétaire. Ce sont d'excellents matériaux dont je pourrois faire usage dans mon mémoire, si j'en avois des copies authentiques que je pusse mettre entre les mains des gens du roy qui conclueront dans mon affaire. Le décret de prise de corps que l'abbé Desfontaines n'a pas purgé seroit un grand moyen. Les plus célèbres avocats pensent comme vous, mais il me faudroit une copie de L'Ecrou. J'ay été hier au châtelet pour cela. Le greffier ne l'a point trouvé et m'a renvoyé au parlement, où l'on n'a aucune connoissance de cette affaire. L'on m'a promis de me donner à la police, quelques notions sur l'affaire que l'abbé a eu à la chambre de l'Arcenal. Voicy le fruit de touttes mes recherches. Il parut en 1736 plusieurs libelles diffamatoires, contre l'abbé Seguy et L'académie. Ils étoient de la façon de M^r Roy. L'abbé Desfontaines avoit eu part à leur publication et impression. Il fut décrété de prise de corps sur les charges et informations à la requette du procureur du roy. On commençoit à instruire la contumace, et pour lors l'abbé Desfontaines, mieux conseillé, prit le party d'avoir recours à la clémence du roy, qui luy accorda des lettres de grâce, pardon et abolition et le rétablirent dans la bonne fâme et réputation. L'abbé se rendit prisonnier et subit l'interrogatoire sur la cellette et ces lettres furent entérinées. Elles sont en datte du 11 may 1736. Si vous aviés quelques pièces à m'administrer je vous en serois infiniment obligé. C'est la grâce que je demande à touts les honestes gens qui s'intéressent au bien public. Bonum est reipublicæ cognosi malos.Au reste Monsieur je vous prie d'estre bien convincu que je ne suis pas capable de vous compromettre. Il est toujours discracieux pour d'honestes gens de partager l'attention du public avec un sujet tel que mon adversaire.

J'ay l'honneur d'être avec la plus respectueuse estime,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur

De Gourné prieur com. de N. D. de Taverny

à Paris ce 21 févr. 1743