1760-09-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Mon cher maitre pardon de vous avoir embâté des Rigolets et des Bardins.
Vous êtes trop bon.

Le grand point comme vous le dites est de ne se ruiner ny en châtaux, ny en églises, ny en jardins. Mais vous qui êtes mon directeur, vous saurez que j'ay eu la bétise honnête, de tirer de prison un pauvre homme de mes vassaux dont madame de la Batie a fait saisir le domaine pour dettes. Je prends mes précautions mais je paye pour luy. Il vous en coûtera 5000lt de cet article. Ou je les tirerai sur vous, ou je les prendrai chez mr Cathala, ou, je vous prierai de me les envoier.

cy 5000H
plus un marais à seigner environ 4000
Pictet Varambé fils haut de six pieds et un pouce veut que je lui prête 10000 pose 10000H
les quels je tirerai sur vous en bref 19000
de l'autre part 19000H
de petites acquisitions de prés et champs 4000
vers la toussaint pour le courant 12000
en tout 35000 tout au plus

Cela ne laissera pas de durer jusqu'en janvier et février.

Pour payer ces 35m.lt, j'ay l'honneur de vous faire parvenir une lettre de change de cent francs et plus. Mais comme cela ne suffit pas absolument je compte au mois d'octobre vous envoyer pour environ 30m.lt de lettres. Partant il me restera de quoy me marier. L'exemple du résident ne me tente pourtant pas. Je le marierai à Fernex demain, et je n'en serai point jaloux.

Bon jour mon cher ami. Je vous embrasse bien fort.

V.