Au Château de Ferney 3e Mars 1761
Avez vous, Monsieur, d'aussi mauvaises nouvelles que nous?
La prise de Fritzlar, et l'interception de toutes nos communications est elle bien confirmée? Nous sommes bien à plaindre de toutes les façons, et malheur à qui a mis son argent en annuïtés et en Tontine aulieu de le mettre en pré.
Je fais toujours bien des affaires avec vos Genevois. Je prête à Mr Micheli cent Louïs d'or, en une Lettre de Change, que je prends la liberté de tirer sur vous à vüe.
Je donne aussi Trois mille sept cent et tant et tant de Livres, à madame de Donop, pour retirer de ses mains un domaine qu'elle avait fait saisir sur un de mes vassaux: c'est encor une Lettre de change pour la Quasimodo. Il se trouve insensiblement qu'une partie de mon bien est à Genêve, ou dans les environs.
Le pâté d'Angoulême était fort bon; nous attendons des meubles de Paris pour le château de Ferney. Vous permettez qu'ils vous soient adressés. Je me flatte que Mr Tourton a enfin paié la partie de ma rente Echüe au premier Janvier. J'attendais encor un petit revenant bon de Cadix, mais il ne vient point.
Mr Le Bault, conseiller du Parlement de Dijon, tirera sur vous une Lettre de change de cinq cent et tant de livres pour du vin qu'il me fournit; car quoi que celui de Tournay soit bon, il faut bien encor en avoir de Bourgogne. Je vous fais des brèches, mais je les réparerai sur la fin d'avril.
Briasson doit aussi tirer sur vous une bagatelle dont il se presse de se faire paier pour des Livres, quoi qu'il ne me les ait pas fait tenir encor. Je vous demande pardon de tous ces petits détails; on passe sa vie en grimelinages. Je me console à Ferney par des travaux dont j'espère que vous serez content quand nous aurons le plaisir et le bonheur de vous posséder; madame Denis vous fait mille tendres compliments.
V. t. h. ob. str
V.