1760-08-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à David Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches.

Ce n'est point, Monsieur, la foule des ridicules de Paris qui m'a privé quelque temps de l'honneur de vous écrire; c'est le fardeau des travaux de la Campagne, et celui d'une mauvaise santé.

J'ignore s'il est vrai que les Hessois aient déclaré au prince de Brunsvick que s'il abandonnait Cassel, ils l'abandonneraient à leur tour. Supposé qu'ils tiennent leur parole, la guerre sera bientôt finie en Allemagne; car il ne parait pas que le Roy de Prusse puisse résister; les Autrichiens prétendent qu'ils le tiennent cette fois cy; il n'y a qu'un coup de désespoir qui puisse déranger leurs mesures, l'enceinte est formée pour faire tomber le Lyon du nord dans leurs filets; celui qui était né pour être le plus heureux homme de la terre, deviendra le plus malheureux, les disgrâces de Charles 12 ne l'ont pas instruit, et les siennes n'instruiront personne. Je me flatte que nous en raisonnerons bientôt ensemble; on nous fait espérer que vous viendrez dans nôtre voisinage.

Aportez donc vos habits de Théâtre, car Mr le Duc de Villars aporte les siens. Adieu, Monsieur, mille respects à toute vôtre aimable famille; et conservez moi vos bontés dont je sens tout le prix.

V.