au château de Tournay, par Genêve 15e avril 1760
Je suis toujours fort faible, Monsieur; je n'écris guères, je dicte tout ce qui me passe par la tête et par le coeur.
Je m'intéresse à vous véritablement, parce que vous me paraissez aimer le plaisir, la philosophie et la Liberté. Ce que vous m'avez mandé, de la bienheureuse facilité de Benoit 14, m'a extrèmement édifié; je ne sçais rien de si ridicule que d'être obligé de vivre avec une femme avec laquelle on ne peut pas vivre. Je voudrais sçavoir si vous en aviez des Enfans, celà rendrait le divorce encor plus beau; le st Père vous a donc remarié à vôtre fantaisie; c'est une très bonne action. Je me doute bien, Monsieur, que vous ne quitterez pas Bologne pour le lac de Genêve, mais vous y aurez toujours un ami. Je ne sçais pas quand vous recevrez le paquet que je vous ai adressé. Je vous ai envoyé mon Bolingbroke; je vous enverrai mon Shaffstburi par la première occasion; je les ai lû, je les ai extraits, celà me suffit, ce sont des remèdes dont j'ai usé; je suis fort aise que vous en profitiez, quoi que je pense que vous n'en ayez pas besoin. Je vous souhaitte, Monsieur, tranquilité et santé; j'ai le premier de ces trésors, mais le second me manque absolument.
a La riverisco di tutto L’ mio core.
V.a