1760-04-10, de François Blanquet de Rouville à Voltaire [François Marie Arouet].
A vous le Plutus d'Hipocrene
Chéri de la belle Delon,
Vous dont la sale est toujours pleine
Des convives du meilleur ton,
Qui présidant dans ce canton
Où vous sommeillés au sermon
Et rimés souvent à la cène,
Faittes des vers comme Maron
Et figurés comme Mecene.

Il y a longtemps Monsieur que je suis un de vos zélés partisants; touttes mes lettres à m. Lefranc sont remplies de témoignages de mon admiration pour vous.

Je luy faisois part un jour d'une ode à votre louange au sujet de votre tragédie D'Alzire qui fut insérée dans les feuilles périodiques et je luy disois

Je célébrais son nom et je cachais le mien.
D'un retour généreux je perdis l'avantage
Et je n'eus de témoin en faisant mon ouvrage
Que mon amitié pour le cien.

Dans un autre de mes lettres où je prennois vivement votre parti contre vos ennemis je déplorois votre sort en ces termes:

Toujours errant, toujours en butte à la furie
De ses cruels persécuteurs,
Mais trouvant partout des lecteurs,
Il semble n'avoir de patrie
Qu'entre nos mains et dans nos coeurs.

Voylà quels ont toujours été mes sentiments pour vous et je suis obligé de vous les manifester voulant obtenir une grâce de vous.

Les oeuvres du philosophe de Sans Souci ayant paru je luy ay adressé une lettre en vers et en prose à la louange de ses talents et de ses exploits. Oserois je vous prier de porter ce monarque à m'honorer d'un mot de réponse? c'est toutte mon ambition. Mademoiselle Delon ne me refuseroit pas le plaisir de vous en écrire si cela étoit néssessaire pour me rendre ce service.

Je suis avec Respect

Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur

le Baron de Rouville
conceillier au parlement de Toulouse

Il y a déjà quelques années que nous avons perdu monsieur Daiguebaire qui avoit l'honneur d'être connu de vous.