De quoy vous avisez vous, mon cher ami, de donner si tost de l'argent à Panchaud?
Il n'en a pas probablement tant de besoin que vous, c'était à luy d'attendre votre commodité. Vous êtes bien heureux de n'avoir pas votre bien à Leipzik, le Roy de Prusse vient encor de luy extorquer 300 mille écus. Tout ce qu'on voit à droitte et à gauche fait aimer et estimer ce pays cy, surtout si le sage gouvernement de Berne ne donne pas des lettres de naturalité à ce fripon de Grasset. Je crois qu'il faudra faire paraître à la fois les deux volumes de l'histoire de Pierre le grand, le plus sage et le plus grand des sauvages qui a civilizé une grande partie de l'émisphère, et qui en se laissant battre neuf années de suitte, aprit à battre l'ennemi le plus intrépide. Ce qui se passe aujourduy est juste le revers de Pierre. On a commencé par des victoires, on finira par le plus affreux revers. On m'écrivait le 17 nbre, Je vous en dirai davantage de Dresde où je serai dans trois jours.
Vous voyez ce qui est arrivé le troisième jour. Pour la France, il n'y a rien à en dire. Il n'y a qu'à n'avoir point d'argent chez elle.
Mille tendres respects à mr et à me de Frydenrik. Voylà des gens sages, et aimables. Je leur suis attaché pour ma vie.
Je vois par mes archives qu'un seigneur de leur nom a possédé ma terre de Fernex au seizième siècle. Cela me rend tout glorieux.
Bonsoir mon cher ami, je vous embrasse tendrement de tout mon cœur.
V.
12 xbre 59