1759-10-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Sébastien Dupont.

Monsieur le Prince de Beaufremont, mon Cher ami, a été un peu plus occupé cette Campagne des Hanovriens et des Hessois, que des Golls; cependant, il n'a point négligé leurs affaires; il a écrit à Mr le maréchal de Bellile, lequel a recommandé tous les Golls à Mr L'Intendant d'Alzace; j'ai eu l'insolence, moi qui vous parle, d'écrire aussi pour m'informer du résultat.
Mais ce résultat n'est pas jusqu'à présent trop favorable à mrs Goll. On dit qu'un Goll ne peut succéder à un catholique, et qu'un damné ne peut avoir la place d'un Elu; pour peu que cette affaire devienne matière de foi, ni vous ni moi n'y aurons grand crédit. Mon avis est qu'on attende un peu, et qu'on s'en remette à la providence; je tiens que voicy un très mauvais temps pour se ruiner en procez; un troisième vingtième doit rendre les hommes sages. J'en parle en homme désintéressé, car toutes mes terres sont libres et ne payent rien. Je ne veux pourtant pas dire avec Lucrece,

Suavè mari magno etca

Quoi que je sois au port je plains fort ceux qui sont d[ans] le bateau. Je cultive de plus beaux jardins que ceux de Candide, mais j'ai bien peur que vous ne soyez de mauvaise humeur comme Martin. Mille compliments à madame vôtre femme; ne m'oubliez pas, je vous prie, auprès de Mr et de Me de Klinglin.

V.