1759-06-05, de Claude François Jore à Voltaire [François Marie Arouet].

Votre réponse à ma lettre du quinze mai dernier m'est parvenue.
La lettre de change de deux cent cinquante livres que vous me dites de tirer sur vous m'est offerte à des conditions trop basses pour y consentir. J'ai toujours regardé comme un sot celui qui ne joue pas à jeu égal. Votre connaissance a causé ma ruine. Il ne me reste que l'honneur d'avoir été votre victime et je ne le sacrifierai qu'au pair avec vous. Je ne puis me résoudre à désavouer tous les faits qui m'ont justifié qu'en me remettant dans l'état où j'étais ci-devant. Je puis, sans trop dire, assurer que vous m'avez jeté dans une perte de cinquante mille écus. A ce prix je me chargerai de l'opprobre dont vous voulez que je me couvre, sinon je resterai dans ma misère, dût elle m'accabler; et j'estime au delà de deux cent cinquante livres la lettre que vous m'écrivez.

Jore Dalibourg
Chevalier du Saint Sépulcre

Je ne refuserai jamais de rendre un témoignage au public des bienfaits que vous pourriez me faire. Si vous vous y porter, vous me trouverez toujours prêt à les publier. L'ingratitude ne fut jamais mon vice. On doit par honneur et sans honte secourir ceux qu'on a rendus malheureux.