aux Délices route de Geneve 12 février 1759
Monseigneur,
Monsieur d'Argental m'a écrit que vous daignez vous souvenir de moy.
Deux solitaires habitans des Alpes et du mont Jura vous interrompent un moment pour vous remercier et pour vous demander votre protection.
Nous espérons que vous daignerez faire pour nous ce que mr Rouillé a fait pr le président de Brosses notre voisin, nous ne nous adressons ny à intendant ny à conseiller d'état, nous attendons tout de vos seules bontez. Un brevet du Roy suffit. C'est tout ce qu'il a fallu au président de Brosse. L'oncle et la nièce ne viendront pas à la vérité vous remercier à Versailles, mais ils vous béniront dans leur retraitte. On est plus reconnaissant dans L'innocence des champs qu'à la cour. Et jamais vos bontez n'auront été mieux senties.
J'ajoute en mon particulier que madame Denis mérite mieux que moy cette grâce, que la terre luy apartient et non à moy, que je ne suis pour rien dans cette requête au roy. Je souhaitte que mon nom soit parfaitement oublié. Je n'oublierai jamais vos bienfaits.
Nous serons avec une respectueuse reconnaissance l'oncle et la nièce pour toutte notre vie
Monseigneur
vos très humbles et obéissants serviteur et servante
Voltaire
Denis