1759-01-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Élie Bertrand.

Mon cher ami dites moy je vous prie en confidence, et au nom de l'amitié, quel est l'auteur de ce libelle inséré dans le mercure suisse.
On m'assure que c'est un bourgeois de Lausane, et d'un autre côté on me certifie que c'est un prêtre de Vevay. Je suspends mon jugement ainsi qu'il le faut quand on nous assure quelque chose. J'ay écrit au sr Bontemps de vous faire tenir le montant de la fripperie italienne. En vérité je n'ay guères le temps de lire les extraits de livres inconnus. Quand on bâtit deux châtaux, et que ce n'est pas en Espagne, on ne lit guères que des mémoires d'ouvriers. Cela n'est pas extrêmement philosophique, mais c'est un amusement. C'est le hochet de mon âge. J'ay baucoup lu, je n'ay trouvé qu'incertitude, mensonge, fanatisme. Je suis à peu près aussi savant sur ce qui regarde notre être que je l'étais en nourrice. J'aime mieux planter, semer, bâtir, meubler, et surtout être libre. Je vous souhaitte pour 1759 et pour 1859 repos et santé. Ce sont les vœux que je fais pour Mr et me de Freydenrik. Présentez leur je vous en supplie, mes tendres respects.

V.