1758-12-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques Abram Elie Daniel Clavel de Brenles.

Etes vous à Lausanne?
êtes vous à U***? Mon cher philosophe, je vois que cette année vous vous passerez de comédies, il faudra vous en tenir aux sermons; mais franchement je crois que nos acteurs valent mieux que vos prédicateurs. Dites moi par quel hasard malheureux vous vous avisez d'avoir un beau-frère catéchiste à V***? Comment diable peut on avoir un beau-frère catéchiste! Le pis est, qu'on dit que ce beau-frère ne sait point son catéchisme. C'est lui qui est l'auteur d'un libelle contre les vivants et les morts, inséré dans le délicat Mercure suisse; en ce cas, vous devez lui faire signifier que vous n'êtes plus son beau-frère, attendu que vous laissez les morts pour ce qu'ils sont, et que vous êtes très aimable avec les vivants. On dit encore qu'un de vos libraires de Lausanne a imprimé des lettres sous mon nom, et qu'il les a envoyé vendre à Paris. Il me paraît qu'on fait argent de tout, ne serait ce point mr G***, à qui le feu pape donna ses divins ouvrages, qui serait l'auteur de cette nouvelle friponnerie? Il ne me reste que de le prier à dîner, dans un de mes petits castels, et de le faire pendre au fruit. J'ai heureusement haute justice chez moi; je ne l'ai pas moyenne chez vous, et si mr G*** veut être pendu, il faut qu'il ait la bonté de faire chez moi un petit voyage. Franchement, je vois que j'ai fait à merveille d'avoir des créneaux et des mâchicoulis, j'étais trop exposé aux prêtres et aux libraires. Cependant, malgré les beaux-frères et les G***, je viendrai vous voir le plus tôt que je pourrai, vous et votre philosophe de femme à qui je présente mes hommages.

Voltaire

Je crois qu'on a payé à mr Steiguer les bavards anglais qu'il a eu la bonté de faire venir pour moi.