1758-10-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Je vous écris en hâte, monsieur, et sans cérémonie, chez m. de Boisi, où je ne suis que pour un moment.

C'est, monsieur, pour avoir l'honneur de vous dire que ma confiance en vos bontés m'a déterminé à entrer en marché de la terre de Fernex avec m. de Boisi. Le bonheur d'être en relation avec vous donnerait un nouveau prix à ce petit domaine. Je compte l'avoir à peu près à quatre-vingt mille livres sans les effets mobiliers qui forment un objet à part. On m'avait assuré que les lods et ventes allaient à huit mille livres. J'ai demandé à s. a. s. une diminution de moitié, diminution que tous les seigneurs accordent. Ainsi, je me suis flatté que je ne payerais que quatre mille livres; c'est sur ce pied que j'ai donné ma parole à m. de Boisi. La nature de mon bien, monsieur, ne me met pas en état de trouver sur le champ quatre-vingt mille livres pour payer m. de Boisi; il faut que j'emprunte. Vous savez, monsieur, combien il en coûte de faux frais avant qu'on soit en possession d'une terre; il ne me serait guère possible de faire cette acquisition, si je ne trouvais des facilités auprès de m. le comte de La Marche. J'ai écrit à son intendant, et supposant toujours que les droits étaient de huit mille livres, j'ai demandé une diminution de moitié.

Oserai je vous supplier, monsieur, de vouloir bien spécifier, lorsque vous écrirez, que c'est la somme de quatre mille livres que je propose de donner?

On me dit que s. a. s. s'est réservé les deux tiers de ce droit. A l'égard de votre tiers, j'en passerai par ce que vous voudrez bien me prescrire, et j'attendrai vos ordres pour conclure ma négociation entamée. Elle me procure l'honneur de vous assurer de mes sentiments; et soit que je sois possesseur de cette terre, soit que le marché n'ait pas lieu, je serai toujours, monsieur, avec respect, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire gentilhomme ordinaire du roi