1758-08-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Je ne crois pas madame qu'il y ait quinze mille anglais dans notre sale Vestphalie, mais je crois qu'il y en a assez pour nous battre.
Je n'ay point de nouvelle de la prise de Louisbourg, mais je crois Louisbourg pris. Je pense que la France est couverte de honte et d'infortune, et que le roy de Prusse n'aura que de la gloire.

J'ay envoyé au plus vite votre beau pro mémoria au sr Cathala à qui il ne faut pas de si belles choses. On escomptera votre lettre de change selon l'usage, et voylà tout.

Ma nièce Denis et moy nous sommes des gardeurs de dindons, dans le goust de Philemon et de Baucis, et quand les déesses de l'Ostfrise daigneront honorer notre cabane de leur présence, nous leur présenterons les légumes de notre jardin, et l'eau de notre lac. Baucis ne peut avoir l'honneur de vous écrire par ce qu'elle ne se porte pas bien, et moy j'écris quoyque malade. Jouissez madame de votre belle santé. C'est un bien que la cour aulique ne vous ôtera pas, c'est le plus grand de tous, et celuy que je connais le moins. Si je le possédais, je vous écrirais des volumes, mais je n'en peux plus, et je finis malgré moy en vous assurant de mon respect, et de l'envie de venir au plus tôt vous faire ma cour.

V.