Paris 25 juillet 1758
Je réponds à votre lettre du 7. M. de Maupertuis ne m'écrit point, mais j'ai de ses nouvelles par m. de la Condamine et elles se rapportent aux vôtres.
Il entre même dans de plus grands détails: il avait arrêté sa place au carrosse de Lyon à Besançon et il n'a pas pu partir; mais vous savez tout cela ou le saurez par lui même. J'en suis infiniment touché. Sa situation est en effet bien triste. On dit le roi de Prusse en mauvaise posture.
Je ne comprends pas que vous ayez pu m'attribuer un moment le Portefeuille trouvé. Je me flatte du moins que ce n'est pas depuis que vous l'avez vu. Mais outre que cela est mal fait, ce genre d'ouvrages n'est assurément pas dans mon goût. Enfin, quand j'aurais donné cette compilation, me seraisje trompé aussi grossièrement sur les auteurs de ces différentes pièces, et, par exemple, attribué à m. de Fontenelle ce qui est de m. de la Motte? J'ai pourtant au compilateur l'obligation de m'avoir donné le premier soupçon que le Poëme sur la Jeune Noblesse de l'un et l'autre sexe, et ainsi en partie son Saint-Cyr, est de m. de Fontenelle. J'en ai été assuré depuis, comme vous avez pu le voir dans un des Mercures.
Je persisterai toujours à vous détourner d'écrire contre Voltaire. Cependant, vous ne m'avouez pas tout. Il y a quelques jours qu'un libraire me donna le titre d'un volume in-12, de 15 feuilles, imprimé à Avignon, et dont on lui propose des exemplaires. Ce titre est: Lettres de M. de la Beaumelle à M. de Voltaire, augmentées de l'Histoire des Démêlés, etc…. Mais il est superflu de vous le rapporter en entier. Pourquoi ne m'en parlez vous point? Cela me ferait presque soupçonner que le livre n'est pas de vous, et d'autant plus que vous me parlez d'un autre projet sur les Œuvres de Voltaire. Dites moi ce qui en est, et, si le livre est en effet de vous, envoyez m'en un exemplaire sous l'enveloppe de m. de Malesherbes, en observant la précaution des deux enveloppes, collant simplement la première sans cachet qui se sente au doigt, et mettant simplement sur cette première: M. l'Abbé Trublet.
Mme Duboccage est revenue lundi dernier d'Italie. Elle a passé quelques jours aux Délices chez Voltaire qui, pour les passer avec elle, a différé son départ pour Manheim où il dit que des affaires l'appellent. Elle a vu jouer une comédie nouvelle de sa façon intitulée: La Femme qui a raison, et l'auteur lui en a donné le manuscrit pour mm. de Pont de Veyle et d'Argental afin que, s'ils la trouvent bonne, ils la présentent aux comédiens. Jusqu'à présent je n'en sais pas davantage. la pièce fut jouée par une troupe de comédiens qui est auprès de Genève, mais sur le territoire du roi de Sardaigne.
Si le Journal Chrétien va à Nismes, voyez y l'extrait du 4e volume des Lettres Critiques, etc., de l'abbé Gauchat. Il y est fort question de Voltaire et ensuite de m. de Montesquieu. L'extrait est de moi. Vous y verrez que je n'y ménage pas le premier et que j'ai pour le second tous les égards possibles. Voyez aussi dans le Journal du mois prochain un extrait de l'OEsprit des Loix. Il n'y aura guère que des louanges, n'ayant pris l'ouvrage que par ce qu'il a de favorable à la religion. Vale.