[c. 7 June 1758]
Mon divin ange ce paquet contient de plats articles pour ce dictionaire enciclopédique.
L'article heureux a pourtant quelque chose d'intéressant, ne fut ce que par le sujet. Il n'apartient guères à un homme éloigné de vous de traitter cette matière.
Si vous avez la volonté de donner ces paperasses avec histoire, on commence àprésent le 8e volume et votre présent sera bien reçu. Diderot ne m'a point écrit. C'est un homme dont il est plus aisé d'avoir un livre qu'une lettre. Il est vray qu'il n'a pas trop de temps, et qu'on peut luy pardoner. Ce n'est qu'à la campagne qu'on a du temps. Encor n'en ai-je guères.
Il est toujours bon mon cher ange de dire aux autheurs que leur pièce est bonne. Il n'y a que moy à qui on puisse dire franchement la vérité. D'ailleurs la pièce en question est si intriguée, si chargée que je n'y comprends plus rien. On dit que les places de parterre ont été mises au double, et que cela indispose le public contre L'auteur. Il n'y a que le temps qui décide du mérite des ouvrages. Il faut donc attendre.
Je rends mille grâces à votre aimable amy, au plus aimable des ambassadeurs. Je suis pénétré de reconnaissance pour vous et pour luy. Sa médiation sera d'autant mieux placée qu'elle sera seulement l'effet de la bonté de son cœur, qu'elle ne paraîtra pas mendiée, qu'elle ne poura embarasser en rien la personne à qui cette médiation s'adressera, et que probablement elle sera très bien reçue. Rien ne presse, et on peut attendre très patiemment le mollia fandi tempora.
Ce qui me tient baucoup plus au cœur c'est que vous veniez à Lyon mon cher ange. Il faut absolument que Tronch. qui va partir, fasse cette négotiation, et qu'il la fasse de luy même et qu'il y réussisse. Comptez qu'il entend ces affaires là comme celles du change. Mon dieu le joli coup que ce serait! On est riche comme un puis. On radotte. J'aurais le bonheur de vous voir. J'ay toujours peur de radoter moy même en me livrant trop à mes idées. Mais pardonnez moy la plus douce illusion du monde.
Madame de Fontaine vous rapportera Fanime et la femme qui a raison. Si ces misères vous amusent, elles en amuseront bien d'autres.
Je me flatte que madame Dargental est en bonne santé. Je baise les ailes de tous les anges.
V.
Je fais mille tendres compliments à mr de ste Palaye. Je suis aussi honoré qu'enchanté de l'avoir pour confrère.