9 May [1758]
Mercure Marmontel me fait l'honeur de faire passer sa lettre par mes mains pour vous la présenter.
Vous aurés sçu à quelles conditions il a eu le brevet. Il y a vingt un mil trois cent livres de pensions qu'on prélève avant tout. Il est chargé des frais, il a le reste pour lui. On dit qu'il en retirera plus de deux mil écus. Il fault ajouter aussi que si quelqe homme de lettres est plus propre à bien remplir et améliorer cette compilation qui est assés du goût général, c'est lui certainement. Aussi le Public n'a t'il demandé, n'a t'il nomé que lui. Il est fécond et laborieux. Il suffira à tout, c'est à dire qu'il ne quittera pas M. de Marigny qui lui promet un logemt au vieux Louvre.
Le Destin de la fille d'Aristide a été des plus malheureux. Pourquoi quand on a une réputation faite et qu'il est évident qu'on ne l'augmentera pas, aller se creuser une source de chagrin? car voilà ce que j'avois veu qu'il en résulteroit. J'étois du petit nombre de ceux qui avoient trouvé L'ouvrage froid et sans intérest. Quelqu'un a fort bien dit qu'elle avoit gagné un bon Lot à la Lotterie et qu'elle a été l'y remettre.
L'Encyclopédie est toujours suspendue. Cette affaire entre les Libraires et les Auteurs est aussi difficile à arranger, que la paix entre les puissances de l'Europe.
Votre Evéque de Montrouge a part à un ballet de Mondonville qui n'a point réussi excepté l'acte de Psyché par votre Evéque qu'on dit devoir rester au Théatre.
La belle Edition des oeuvres de M. de Montesquieu paroit. Les Corrections, les additions, la Table des Matières, et tout ce qu'on y a joint, méritent d'être leu et examiné.
C'est pour la troisième fois que je vous écris mon ancien et illustre ami depuis le 22 Mars. Vous voyés que de part et d'autre
Vale et ama votre ancien ami
Thieriot
Je vous fais mon complimt sur la réunion de Mad. Denis et de Madame Fontaine que vous allés posséder longtems et à qui je présente mes respects.